Jour â 18 â±
Par ClĂ©ment â
Parce que son travail est un jeu incessant et perpĂ©tuel, je vous prĂ©sente aujourdâhui : Esther Ferrer, Las Cosas & Le chemin se fait en marchant
Esther Ferrer naĂźt en 1937 Ă Saint SĂ©bastien en Espagne sous la dictature de Franco. ProfondĂ©ment anarchiste et engagĂ©e, elle dira que, de toute façon, « lorsquâon vit sous une dictature, tout devient politique ». Son art ne sâinscrit pas dans une forme dâart/production mais plutĂŽt dans lâart/action, câest Ă dire une pratique de lâĂ©phĂ©mĂšre. âïž
Lâartiste travaille avec son propre corps. Non pas sous lâidĂ©e de lâautoportrait, mais plutĂŽt parce que câest lâoutil quâelle a toujours avec elle. Aussi car nous sommes juste avant les rĂ©volutions fĂ©ministes des annĂ©es 68 et quâelle trouve dans son corps de femme lâopportunitĂ© de lâutiliser comme porteur dâun message. Ainsi, ses premiĂšres performances sont clairement fĂ©ministes et critiquent lâimage de la femme dans la sociĂ©tĂ© en prenant son propre corps comme une mesure.
Toujours trĂšs minimaliste, lâartiste dira que ses oeuvres prĂ©fĂ©rĂ©es sont celles oĂč elle nâa besoin de rien ou de presque rien. đ Câest le cas des performances Las Cosas. En sâinspirant du tableau de JĂ©rĂŽme Bosch Extraction de la pierre de la folie, elle positionne des « choses » sur sa tĂȘte, comme une pierre, des livres, un entonnoir (qui en espagnol signifie la folie!) et reste immobile crĂ©ant ainsi des figures vivantes, des allĂ©gories rĂ©elles. LâidĂ©e avec son oeuvre, ce nâest pas de susciter lâĂ©motion chez le spectateur, mais de rĂ©veiller son intelligence. MĂȘme si aujourdâhui la plupart des oeuvres semblent vouloir viser lâinverse, elle reste fidĂšle Ă son ambition. Elle ne cherche jamais Ă Ă©tonner ou Ă impressionner le public. Son objectif nâest pas de faire des choses extra-ordinaires comme on pourrait souvent le penser pour les artistes de performance. Non. Elle propose une oeuvre simple, que tout le monde pourrait faire et qui Ă©voque des idĂ©es. â°
Lâanarchisme est pour elle une maniĂšre dâinterroger la responsabilitĂ© de chacun dans ses actes quotidiens, envers soi-mĂȘme, envers les autres. Dans sa performance Le chemin se fait en marchant, elle dĂ©roule un morceau de scotch en marchant dessus crĂ©ant ainsi une cartographie de sa marche dans la ville. Le titre de cette performance sâinspire du poĂšte Antonio Machado qui dĂ©veloppe lâidĂ©e que le temps avance sans jamais retourner en arriĂšre et que le voyage se trouve Ă cet endroit prĂ©cis. La notion du temps est trĂšs prĂ©sente dans le travail dâEsther Ferrer. Dans ses propositions, elle nous dĂ©pose lâidĂ©e que chaque acte est unique et que nous ne pouvons en aucun cas revenir en arriĂšre. Câest pour cette raison quâelle cherche Ă retranscrire ici avec le scotch et beaucoup de lĂ©gĂšretĂ©, lâidĂ©e dâun temps qui sâĂ©coule Ă travers la marche. đ¶ââïž
Avec une rigueur de lâabsurde, le travail minimal et plein dâesprit dâEsther Ferrer inspire et nourrit une sensibilitĂ© engagĂ©e et profondĂ©ment humaniste. Elle dit : « Rire de soi-mĂȘme et de ce que lâon fait. Faites comme moi, amusez-vous ! » đ
Site internet de lâartiste : http://estherferrer.fr/fr/
VidĂ©o dâune performance Las Cosas en 1993 :
Vidéo de Le chemin se fait en marchant à Jérusalem en 2011 :
Interview pour son exposition au MacVal en 2014 :
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