Jour 32â±
Par ClĂ©mentđ·
đParce quâentre faire la queue Ă la rĂ©ouverture des drives de McDonald et communier lors dâune cĂ©rĂ©monie religieuse avec du boudin fabriquer Ă partir de sang humain il nây a quâun pas, je vous prĂ©sente ce soir :
Michel Journiac
Figure emblĂ©matique de lâart corporel français avec ORLAN et Gina Pane, Michel Journiac fait des Ă©tudes de philosophie et de thĂ©ologie pour sâorienter ensuite vers lâart. Pour lui, le corps de l'autre ne se rencontre quâĂ travers des rituels quâil utilise pour interroger, rĂ©vĂ©ler ou dĂ©noncer.
Il prend Ă partie son propre corps comme essence de la crĂ©ation. Le corps nâest pas uniquement un sujet, il est un moyen de transmettre, il est matiĂšre.đ©
Durant tout son parcours, il nâa de cesse dâincarner diffĂ©rent rĂŽle, diffĂ©rente personne ou personnalitĂ© afin de mettre en lumiĂšre les failles de lâĂȘtre-humain et les tabous de notre sociĂ©tĂ©.
âȘïžđCâest le cas de sa performance la plus connue Messe pour un corps en 1969 oĂč il se travestit en prĂȘte et fait communier le public avec son propre sang quâil a prĂ©parĂ© sous forme de boudin. "Ceci est mon corps", littĂ©ralement. Le spectateur est au centre du questionnement dans cette oeuvre car il fait « corps » avec lâartiste. Par cette cĂ©rĂ©monie religieuse, lâartiste reprĂ©sente, selon ses propres termes, "l'archĂ©type de la crĂ©ation" : l'Homme se nourrissant de lui-mĂȘme et des hommes se nourrissant de l'artiste. Le travail de Journiac permet au corps de passer d'un Ă©tat passif, rendu obligatoire par la sociĂ©tĂ© de consommation, Ă l'Ă©tat actif. Ce corps actant de l'artiste, qui dĂ©range quelquefois, oblige le spectateur Ă ouvrir les yeux et fait Ă©clater les carcans dans lesquels la sociĂ©tĂ© nous enferme.
đDans 24 heures dans la vie dâune femme ordinaire, action photographique de 1974, lâartiste vient incarner une femme en recrĂ©ant par la photographie et le travestissement, des instants de vie fĂ©minin de lâaprĂšs guerre quâil appelle RĂ©alitĂ©s comme « le retour du mari »,« la vaisselle » ou encore « la maternitĂ© ». Et, comme par contraste, il vient aussi poser la question du dĂ©sir dans ce quâil appelle les Phantasmes, avec une femme plutĂŽt Ă©poque 70 qui se rĂȘve en mariĂ©e, en putain, en cover-girl et qui sâimagine dans les bras dâun playboy. A travers ces clichĂ©s, il vient pointer du doigt la condition de la femme et les rituels sociaux dans lesquels la femme tout autant que lâhomme se sont pris eux-mĂȘmes au piĂšge. "En piĂ©geant la femme, lâhomme se piĂšge aussi".đ
Le travestissement est, chez lui, un moyen de venir parodier la sociĂ©tĂ©. Mais on est loin de la plaisanterie. Son humour est grinçant, caustique,⊠presque dĂ©sespĂ©rĂ©. Câest un acte pour lui-mĂȘme et pour sâaffranchir du genre. Son art est subversif et dĂ©rangeant. Sa poĂ©tique repose essentiellement sur une souffrance de lâinĂ©quation, dâun corps voir dâun ĂȘtre jugĂ© comme diffĂ©rent. Il matĂ©rialise lâinterdit, il en fait quelque chose de lâordre du possible. Câest un artiste de la rĂ©volte : rĂ©volutionnaire autant dans son approche artistique (Cindy Sherman sâinspire beaucoup de son travail) que dans les sujets quâil aborde comme lâhomosexualitĂ©, le sida, le genre.
A nous, à notre révolte maintenant !
Poétiquement vÎtre.
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