Jour 42â±
Par ClĂ©mentđ€ż
Parce que les clichĂ©s sont difficiles Ă dĂ©trĂŽner, pourquoi pas sâen servir pour en faire autre chose⊠je vous prĂ©sente ce soir Pilar AlbarracĂn.
NĂ©e en 1968 Ă SĂ©ville, Pilar AlbarracĂn dĂ©veloppe depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990 une Ćuvre protĂ©iforme ayant pour objectif de retourner, dĂ©tourner et dĂ©structurer le discours patriarcal portĂ© sur les femmes. đȘđžElle sâattache dâabord Ă la sociĂ©tĂ© espagnole et sâapproprie les stĂ©rĂ©otypes de la culture ibĂ©rique oĂč lâimage des femmes ou des hommes y est exacerbĂ©e.
Tauromachie, flamenco et religion sont ses terrains favoris. Elle danse, chante, cuisine et rĂ©invente lâidentitĂ© des femmes espagnoles. Une identitĂ© quâelle souhaite assainir de la propagande visuelle et culturelle lancĂ©e par Franco oĂč les femmes servaient de faire-valoir Ă une culture machiste. Elle veut rompre ces stĂ©rĂ©otypes et le meilleur moyen pour elle dây parvenir, câest de travailler avec eux afin dâen proposer une nouvelle lecture, un nouveau regard et y apporter matiĂšre Ă rĂ©flexionâïž.
Dans Viva España en 2004, lâartiste dĂ©ambule dans les rues de Madrid avec un orchestre autour dâelle jouant en boucle la chanson populaire « ¥Que viva España! ».đș HabillĂ©e dâun tailleur jaune pimpant, de talons et de lunettes de soleil, elle marche Ă un rythme effrĂ©nĂ©, comme si elle voulait se libĂ©rer de cette ritournelle incessante et envahissante. đ·Lorsquâelle se met Ă courir, les musiciens la suivent dâencore plus prĂȘt, resserrant un petit peu plus les rangs pour lâencadrer.đ„ Ce qui est Ă©tonnant, câest quâen jouant avec le clichĂ© de la femme populaire, les musiciens deviennent ses gardes du corps et les passants curieux sont heureux dâentendre cet air de vacances, presque un air patriotique de lâEspagne, comme une animation culturelle avec lâimpression, en prime, de voir une personnalitĂ© publique.đââïž
đAvec En la piel del otro (Dans la peau de lâautre), en 2018, vĂȘtue dâune robe de flamenco avec plusieurs autres femmes espagnoles et françaises, elle dĂ©ambule dans les rues de Paris pour venir sâallonger sur le sol du musĂ©e Picasso commanditaire de cette performance pour commĂ©morer les bombardements de Guernica. Ces dizaines de femmes au sol crĂ©ent un tapis impressionnant et trĂšs colorĂ© grĂące aux motifs des robes. Elle vient ici sublimer la mort et lâoubli, non sans une pointe dâironie et en ramenant le sujet sur la condition de la femme et des traditions quâelle souhaite faire Ă©voluer. Personne ne peut entrer dans le musĂ©e sâil ne marche pas sur ces corps inertes. Un geste puissant qui Ă©voque non seulement la force de la femme pour faire barrage mais aussi ces traditions ancestrales qui conditionnent lâimage de la femme dans un pays excessivement machiste.đ
« Tu tapes, tu tapes et tout Ă coup, il y a un moment dâintensitĂ© unique ». Partant de stĂ©rĂ©otypes et donnant toute son Ă©nergie dans leur incarnation, Pilar AlbarracĂn pousse son oeuvre jusquâĂ un point de rupture afin de sortir le spectateur de son endormissement intellectuel et sensoriel.đ„
- Site de lâartiste : http://www.pilaralbarracin.com/obras.html
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