Jour 44â±
Par ClĂ©mentđŸ
Parce que grĂące Ă cet artiste, vous ne ferez plus jamais la queue au supermarchĂ© (ou ailleurs!) de la mĂȘme maniĂšre : voici Roman OndĂĄk.
NĂ© en 1966 en TchĂ©coslovaquie, Roman OndĂĄk est un artiste slovaqueđžđ°. Son travail sâinscrit dans la lignĂ©e des oeuvres conceptuelles et minimalistes et traite les questions du vide, du souvenir et de la mĂ©moire par lâabsurditĂ© de situation quâil vient dĂ©tourner, augmenter, transformer et prĂ©senter pour questionner le quotidien et lui apporter un autre regard.đ
âČLâune de ses oeuvres la plus cĂ©lĂšbre est Good Feelings in Good Times crĂ©Ă©e en 2003 dans laquelle il embauche des figurants pour attendre. Il «installe» alors une file dâattente fictive qui intrigue le public. Ces situations dâattentes sont des images que nous voyons rĂ©guliĂšrement, encore plus aujourdâhui devant nos supermarchĂ©s. Mais la plupart du temps, nous attendons pour quelque chose. Ici, la file dâattente ne mĂšne Ă rien, au vide.đł Il vient prĂ©lever un morceau de rĂ©alitĂ©, le dĂ©placer et regarder comment il fonctionne, sâil fonctionne encore. RĂ©miniscence de lâenfance dâOndĂĄk dans la TchĂ©coslovaquie communiste, Good Feelings in Good Times fait soudain remettre en question lâun de nos comportements sociaux les plus habituels. Cette catĂ©gorie dâoeuvres quâil appelle « performative » sont en fait des protocoles, puisĂ©s chez les conceptuels, quâil vend aux musĂ©es afin quâils puissent les (rĂ©)activer Ă leur convenance.
Câest le cas par exemple de lâoeuvre Measuring the Universe. Sâinspirant dâun souvenir dâenfance partagĂ© par la plupart dâentre nous, il propose aux employĂ©s du musĂ©e de venir inscrire les noms des visiteurs suivi de la date du jour sur un mur blanc Ă hauteur de leur taille.đ Petit Ă petit, le mur se remplit des centaines de noms, comme la marque dâun passage furtif et Ă©phĂ©mĂšre, noircissant le mur de cette accumulation. A la fin de lâexposition, lâoeuvre est entiĂšrement repeinte en blanc, pour nâen laisser aucune trace (sauf photographiqueđ€ł). Lâoeuvre marque non seulement le temps qui sâĂ©coule, lâoubli, mais aussi la fugacitĂ© de lâoeuvre dâart dont le geste reste au coeur du processus et nâa pas vocation Ă prendre la poussiĂšre.
Au-delĂ de lâinscription conceptuelle rigoureuse, les Ćuvres de Roman OndĂĄk sâexercent toutes sur la voie du sensible, avec une poĂ©sie et un sens du dĂ©calage. Leur simplicitĂ© dĂ©sarme toute interprĂ©tation - il suffit souvent pour OndĂĄk de changer le statut dâun objet ou de placer une situation quotidienne en exergue comme dans Teaching to walk lorsquâil invite une mĂšre Ă venir apprendre Ă son enfant de 1 an Ă marcher dans le musĂ©e. đ¶
Lâartiste vient dĂ©jouer les attentes portĂ©e par les visiteurs conditionnĂ©s vis Ă vis de lâoeuvre dâart. La possibilitĂ© pour le spectateur de « manquer » lâĆuvre est un principe auquel il tient. Le fait que le public puisse ne pas lâidentifier comme telle ne signifie pas quâelle Ă©choue â au contraire. Mais lorsquâelle nous saisit, son oeuvre nous serre tendrement, laissant place Ă lâĂ©motion intime dâune surprise du quotidien.đ„ș
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