Jour 46â±
Par ClĂ©mentđ€
Parce que jâai vĂ©cu cette expĂ©rience au Palais de Tokyo en 2016 et que jâen suis encore tout retournĂ©, je vous prĂ©sente lâavant dernier artiste des FINEMENT CON (du confinement!) : Tino Sehgal.
Dâorigine britannique, lâartiste berlinois vient sâopposer radicalement Ă la surproduction dâobjets. Il propose des performances artistiques totalement immatĂ©rielles. Lorsquâun musĂ©e achĂšte une oeuvre, lâartiste la lui transmet uniquement par voie orale : aucune note, image ou quelconque trace doit rester de lâoeuvre. đ
Il met alors en jeu des corps et des idĂ©es quâil vient adapter aux contextes et aux rencontres. Ce sont des « situations » (cf. Roman OndĂĄk vu prĂ©cĂ©demment), quâil vient installer ou provoquer dans les enceintes musĂ©ales.
đLa piĂšce Kiss sâinspire de plusieurs scĂšnes de baisers dans lâhistoire de la sculpture. Tino Sehgal chorĂ©graphie un enchainement de baisers pour deux interprĂštes quâils rĂ©pĂštent en boucle. Ces deux personnes sâenlacent et sâembrassent parfois complĂštement allongĂ©s au sol, sans se soucier du public qui dĂ©ambule autour. Ils se placent comme des exhibitionnistes et le regardeur se transforme en voyeuriste.đ Cette sculpture vivante et mouvante donnĂ©e avec une sensualitĂ© Ă©trange et froide laisse les images personnelles imprĂ©gner le spectateur plus facilement. Dâautant plus que la scĂšne est au ralenti et longue : ils rĂ©alisent cette chorĂ©graphie durant environ 3 heures en boucle jusquâĂ quâun autre couple prenne le relais.đ
Au Palais de Tokyo en 2016, lorsque jâentre avec un ami dans la premiĂšre salle dâexposition, nous sommes interrompus par un enfant qui nous demande «Bonjour, est-ce que je peux venir avec vous ?».đšâđšâđŠ Nous rĂ©pondons un «oui» un peu dĂ©contenancĂ©s mais curieux. Il nous fait alors avancer dans lâenceinte du musĂ©e comme une promenade et nous dit « Câest une piĂšce de Tino Sehgal. Est-ce que je peux vous poser une question ? », comment refuser ? Il nous rĂ©pond : « Quâest-ce que le progrĂšs ? ». Nous venons dâactiver lâoeuvre This Progress. Nous entamons une discussion avec lâenfant, qui nous pose des questions et rĂ©agit trĂšs vivement Ă nos interactions. Puis une adolescente arrive, lâenfant fait un rĂ©capitulatif rapide mais prĂ©cis de ce que nous nous sommes dit et nous continuons notre avancĂ©e et notre discussion avec elle. Nous passons entre les mains de plusieurs personnes Ă chaque fois plus ĂągĂ©es pour enfin terminer avec une femme ĂągĂ©e qui nous raconte des souvenirs sur sa vie.đ” La discussion se fait plus naturelle, comme si elle Ă©tait notre propre grand-mĂšre, comme si nous Ă©tions en famille en train de sortir les albums photos. Une forte Ă©motion sâempare de nous au moment de la quitter.
Cette oeuvre nous fait traverser les Ăąges, les souvenirs, les regrets, les bonheurs. Elle nous questionne sur ce quâest la vie, sur les questions que nous devrions ou pas nous poser. Elle touche en plein coeur car la rencontre, qui peut paraĂźtre automatique au premier abord, devient de plus en plus intime et personnelle.đ„ș
Sâil repasse dans le coin, je ne peux que vous conseiller dâaller faire ces expĂ©riences⊠elles valent le coup. Et excusez moi dâen avoir dĂ©jĂ bien trop dit !đ
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